Biodynamie et recherches

Dès l’impulsion du Cours aux Agriculteurs en 1924, la recherche pour valider, affiner et développer les méthodes biodynamiques a été une préoccupation importante pour les agriculteurs et les chercheurs. D’abord réalisée par des chercheurs tels que le Dr Ehrenfried Pfeiffer ou Dr Lily Kolisko dans les années 1930, puis par des paysans chercheurs comme Maria Thun en Allemagne et Alex Podolinsky en Australie, la recherche en biodynamie s’est aujourd’hui largement développée dans les universités du monde entier, avec un nombre de publications en nette hausse depuis les années 2010, notamment en viticulture. 

En France, l’association Biodynamie Recherche, partenaire du MABD, réalise un travail de veille et de vulgarisation scientifique sur la biodynamie, et publie des traductions, des articles de synthèse et des actualités sur la recherche en biodynamie.

Ce qui est scientifiquement établi sur l’agriculture biodynamique

Les informations présentées ici résument l’état actuel des connaissances sur l’agriculture biodynamique, tel qu’il ressort des deux revues systématiques de la littérature scientifique publiées à ce jour (Brock et al., 2019 et Santoni et al., 2022), d’une méta-analyse sur les propriétés écologiques des sols (Christel et al., 2021) et d’un article de synthèse sur le potentiel et les défis de l’agriculture biodynamique en tant que ressource pour des systèmes agricoles plus durables (Rigolot & Quantin, 2022).

Qualité du sol  

L’agriculture biodynamique considère le sol comme un habitat pour de nombreux organismes vivants qui fournissent une large gamme de services écosystémiques, y compris la fertilité du sol. L’entretien d’un sol sain est vital pour maintenir une bonne vie microbienne. Dans cet esprit, les systèmes en biodynamie semblent avoir le potentiel d’améliorer le microbiome du sol, comme l’ont constaté Christel et al (2021) dans une récente méta-analyse portant sur près d’une centaine d’articles : l’agriculture biodynamique est le système agricole qui a l’effet le plus bénéfique sur les qualité écologiques des sols, suivie de l’agriculture biologique et conventionnelle.

Différents paramètres sont couramment étudiés pour évaluer la qualité des sols. En premier lieu, la macrofaune (vers de terre, fourmis, araignées, etc.) modifie physiquement le sol en transformant et recyclant la matière organique. Cette activité contribue au maintien de la porosité et de la stabilité structurale du sol. Ces organismes agissent en conjonction avec la mésofaune (par exemple, les arthropodes) et la microfaune, qui régulent les propriétés chimiques et biologiques du sol. Enfin, les micro-organismes (bactéries et champignons) jouent un rôle crucial dans la régulation de la vie du sol. Ils participent au recyclage des éléments et influencent la biodisponibilité des nutriments pour les plantes tout en régulant la santé du sol (Christel et al., 2022). Toutes ces fonctions biologiques déterminent en fin de compte les propriétés agronomiques des sols. Les résultats des recherches montrent que les populations de micro-organismes du sol sont influencées par les systèmes de production.

Dans la plupart des études, les indicateurs de fertilité du sol sont meilleurs en agriculture biodynamique que dans les systèmes non biodynamiques. Cela se traduit par des taux plus élevés de matières organiques, une meilleure structure du sol en lien avec une activité biologique plus développée (Brock et al., 2019).  

© BFDI

La matière organique du sol (SOM) est reconnue comme un facteur essentiel de la fertilité du sol et joue de nombreuses fonctions dans le sol. Des niveaux plus élevés de matière organique du sol dans le cadre de l’agriculture biodynamique par rapport à tous les traitements non biodynamiques ont été observés dans l’essai DOC.  

Les résultats les plus solides concernent l’abondance, la diversité et les fonctions des micro-organismes. Dans une comparaison à grande échelle de sols provenant de vignobles cultivés de manière conventionnelle, biologique et biodynamique, on a observé une diversification fonctionnelle des communautés de micro-organismes nettement plus importante et un nombre plus élevé d’interactions entre les bactéries et les champignons dans les sols biodynamiques Christel et al (2021).   

Si les recherches sur les effets des pratiques biodynamiques sur les sols doivent encore être développées, la relation spécifique entre les agriculteurs biodynamiques et leurs sols pourrait jouer un rôle dans cette évolution (Rigolot et Quantin, 2022).

Durabilité environnementale  

Le secteur agroalimentaire est l’un de ceux qui contribuent le plus à l’impact environnemental en termes d’épuisement des ressources, de dégradation des sols, d’émissions et de production de déchets. Consciente de ces défis, l’agriculture biodynamique cherche à atteindre l’équilibre. Elle favorise les cycles courts dans les exploitations agricoles, en utilisant dans la mesure du possible des engrais verts associés à une fumure animale produite sur l’exploitation, au lieu d’engrais organiques externes. La méthode biodynamique semble donc plus efficace d’un point de vue écologique car les intrants externes sont plus faibles que pour d’autres systèmes de production (biologique, conventionnel). Ce résultat a été prouvé pour différentes cultures, à l’exception de la culture biodynamique dans des serres à forte consommation d’énergie (Santoni et al., 2022).  

L’agriculture biodynamique et les autres formes d’agriculture biologique partagent de nombreux principes, tels que la rotation des cultures, les couverts végétaux, un travail du sol raisonné, l’utilisation d’engrais verts et de compost, et la lutte contre les parasites par des moyens biologiques, culturaux, mécaniques et physiques plutôt que par des moyens chimiques.  

Ces caractéristiques rendent le système biodynamique plus durable et plus résistant, notamment face au changement climatique. Une étude montre que l’amplitude des réponses des plantes aux menaces climatiques est plus élevée en biodynamie qu’en gestion conventionnelle. Il en va de même pour les tendances saisonnières et les attaques de pathogènes. Cela a été associé à une plus forte expression des gènes d’immunité et à des niveaux plus élevés de métabolites secondaires anti-oxydants et antifongiques. Ces résultats suggèrent que la durabilité des pratiques biodynamiques repose probablement sur des régulations moléculaires fines (Soustre-Gacougnolle et al., 2018). 

Il est important de toujours considérer l’agriculture biodynamique comme un complément à d’autres formes d’agriculture.

En ce qui concerne les aspects sociaux et économiques de la durabilité, le nombre limité d’études rend difficile de tirer des conclusions. Toutefois, les premiers résultats montrent que les agriculteurs biodynamiques sont désireux d’échanger des idées entre eux et avec les scientifiques. Mais aussi que les biodynamistes entretiennent une relation spécifique avec leurs plantes et leurs animaux qui relève de l’éthique du soin (Foyer et al. 2020).

Engrais verts : phacélie et vesce.
©VerdeterreProduction

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Biodiversité  

Les pratiques agricoles biodynamiques favorisent la biodiversité globale des agroécosystèmes. Les fermes biodynamiques cultivent généralement des bandes fleuries, des corridors écologiques et des haies qui abritent les pollinisateurs et les prédateurs naturels (Santoni et al., 2022). En effet, le cahier des charges Demeter, exige que 10% de la surface totale de la ferme soit dédiée au soin de la biodiversité, ce qui inclut les aménagements destinés au maintien des espèces végétales et animales rares ou menacées, la création de conditions optimales pour les insectes, les oiseaux, et toutes les formes de vie en général, y compris les micro-organismes du sol.

Le sol est un véritable écosystème qui abrite une grande biodiversité. Un hectare de sol peut contenir jusqu’à 15 tonnes d’organismes vivants, soit 1,5 kg de vie par mètre carré Christel et al (2021). Les organismes, petits et grands, jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement du sol, dont ils influencent les propriétés physiques, chimiques et biologiques.

Mäder et al. (2002) ont mesuré que la biomasse et l’abondance des vers de terre étaient plus élevées d’un facteur de 1,3 à 3,2 dans les parcelles biologiques et biodynamiques que dans les parcelles conventionnelles. L’activité moyenne des carabes, des staphylinides et des araignées dans les parcelles biologiques et biodynamiques était presque deux fois supérieure à celle des parcelles conventionnelles.  

Les écosystèmes sains se caractérisent par une grande diversité d’espèces. L’essai DOC montre que l’agriculture biologique et biodynamique permet le développement d’une flore adventice relativement diversifiée. On a trouvé 9 à 11 espèces d’adventices dans les parcelles de blé gérées de manière biologique et biodynamique, et une seule espèce dans les parcelles conventionnelles. Ce résultat a été précisé par Rotchés-Ribalta et al. (2017), qui ont démontré que les graines contenues dans le sol étaient plus nombreuses dans les sols biodynamiques que dans les autres systèmes.

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Qualité des aliments  

L’agriculture biodynamique vise une qualité alimentaire élevée. Sur 21 études portant sur la comparaison de la qualité nutritionnelle (d’après l’inventaire de Brock et al., 2019), 17 études montrent un effet positif sur les aliments produits en biodynamie. Dans plusieurs cas, on peut établir un lien entre une qualité nutritionnelle élevée et l’utilisation des préparations biodynamiques. Les études menées ne sont pas assez nombreuses, mais les premières conclusions indiquent une tendance : les teneurs en polyphénols et en antioxydants sont plus élevées dans les produits biodynamiques.   

En ce qui concerne l’impact sur la qualité des aliments, l’agriculture biodynamique est légèrement plus performante que l’agriculture conventionnelle, tandis qu’aucune différence n’a été détectée lorsque l’on compare l’agriculture biodynamique et l’agriculture biologique. Toutefois, il a été démontré que les produits issus de l’agriculture biologique sont plus riches sur le plan nutritionnel que leurs équivalents conventionnels. Les propriétés nutritionnelles, en particulier la teneur en composés phénoliques, en flavonoïdes ainsi que l’activité antioxydante, sont nettement plus élevées dans les fraises, les mangues et les raisins issus de l’agriculture biologique que dans les produits conventionnels (Santoni et al., 2022).  

Cependant, la qualité des aliments n’est pas seulement une question de valeur nutritionnelle des aliments, mais aussi le résultat de la façon dont le microbiome du sol interagit avec les plantes, les animaux et les humains. En effet, le concept “One Health ” suggère un lien entre la santé humaine, animale et environnementale. Par conséquent, l’approche One Health pourrait étayer l’idée que les produits biodynamiques sont plus sains (Santoni et al., 2022).  

En ce qui concerne le nombre d’études, le vin est le produit le plus courant dans la littérature sur la qualité des aliments. Cela peut s’expliquer par le fait que ce produit a toujours été associé à des questions de qualité. De nombreuses études affirment que la viticulture biologique et biodynamique a peu d’influence sur la composition du raisin. Toutefois, les jus biologiques et biodynamiques ont tendance à présenter des niveaux plus élevés de composés bioactifs que leurs homologues conventionnels. Il est possible de différencier les jus de raisin rouge biologiques, biodynamiques et conventionnels en mesurant les composés organiques volatils à l’aide de la spectrométrie de masse. Ces études ont révélé que les jus biodynamiques et biologiques présentent des caractéristiques qualitatives similaires (Brock, 2021).  

Des études sur la laitue, les pommes et les betteraves ont montré une teneur plus élevée en polyphénols.  La laitue et la betterave présentent également des taux d’antioxydants plus élevés, tout comme la chicorée, la mangue et la batavia cultivées en biodynamie (Brock et al., 2019).  

Peu d’études ont encore été menées sur les produits d’origine animale. Cependant, plusieurs travaux montrent que le lait issu de la production biodynamique est mieux toléré que celui issu de systèmes non biodynamiques (Brock, 2021).

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Effet des préparations biodynamiques  

Bouse de corne
© Thierry Tricot MABD

Les préparations biodynamiques sont un élément clé qui différencie l’agriculture biodynamique de l’agriculture biologique. Les premiers résultats suggèrent que la préparation 500 pourrait avoir le potentiel de stimuler la croissance des plantes (Santoni et al., 2022). Cependant, les études sur les effets des préparations biodynamiques sont peu nombreuses et certains résultats doivent être réévalués. 

Des études sur le cumin, le soja et le riz ont évalué les différences de rendement entre des conditions non fertilisées et fertilisées. Ces études ont conclu que les rendements, la longueur des racines et le poids augmentent. D’autres cultures, comme la laitue et le piment, n’ont montré aucune différence de rendement (Brock et al., 2019).  

Plusieurs études ont observé des effets positifs des préparations sur les paramètres du sol. C’est principalement sur les caractéristiques biochimiques et microbiennes que les préparations agissent. Ces propriétés peuvent être mises en relation avec les effets observés des préparations sur la croissance des plantes.  

Plus de détails sur la préparation “bouse de corne” (500), lire l’article de synthèse “la bouse de corne sous le microscope” sur biodynamie-recherche.org

Influences lunaires et cosmiques

Il existe peu de travaux scientifiques robustes sur l’influence de la lune, des planètes et autres corps célestes sur la vie du sol et/ou la croissance des plantes, rendant difficile toute affirmation sur le sujet de ce point de vue. Pour une synthèse historique et scientifique, lire Les plantes et la Lune : traditions, phénomènes et synthèse scientifique par Ernst ZÜRCHER, professeur émérite et chercheur en sciences du bois à la Haute École spécialisée bernoise.

©mabd

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